Lettre de Pierre Abélard
 à

 Gilbert, évêque de Paris

 

"Gilbert ou Girbert évêque de Paris de 1116 à 1123. Protecteur présumé d'Abélard. Chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris 1107-1108. Archidiacre de Paris 1112-1116. C'est lui qui bénit le voile qui fit d'Héloïse une nonne d'Argenteuil. Abélard en appela à Rome sans succès contre sa clémence envers Fulbert à la suite de la castration d'Abélard. Vers 1120 Abélard lui demanda de réunir une assemblée pour étudier les prétendues calomnies hérétiques portées par Roscelin contre lui. On ignore quelle fut la réponse de Gilbert, mais le concile de Soissons se réunit en 1121."  M. Clanchy p. 409

 

Quand Abélard écrit son traité de théologie De l'Unité et de la Trinité divine, en 1120, il n'est pas original, puisque tout auteur de spiritualité à l'époque réfléchit sur le problème du dogme de la Trinité. Mais la méthode d'Abélard inquiète, et ses rivaux  l'attaquent (c'est‑à‑dire qu'ils critiquent ses thèses !). Abélard trouve alors judicieux de les devancer auprès des autorités, et dénonce Roscelin dans une lettre à l'évêque de Paris, Gilbert:

 

"Quelques‑uns de nos disciples sont venus nous rapporter que ce vieil ennemi de la foi catholique, dont l'hérésie détestable selon laquelle il y aurait trois dieux a été démontrée par les pères réunis au concile de Soissons [celui de 1093]... vomit sur moi injures et menaces à cause d'un opuscule composé par moi sur la foi en la sainte Trinité, qui a été écrit principalement contre l'hérésie dont il s'est rendu coupable. L'un de nos condisciples nous a, d'autre part, fait savoir... qu'il attendait votre retour pour vous dénoncer certaines hérésies que j'aurais exposées dans cet opuscule; et ainsi, il tenterait de vous prévenir contre moi comme il s'efforce de le faire avec tout le monde. S'il en est ainsi..., nous vous demandons à vous tous, champions du Seigneur et défenseurs de la foi, que vous décidiez d'un lieu et d'un endroit convenables pour m'y convoquer en même temps que lui et, devant des personnes recommandables et catholiques, que vous aurez choisies, soit entendu ce qu'il me reproche en secret et derrière moi, et que cela soit soumis à leur jugement éclairé (de façon que l'on sache) ou bien s'il me charge à tort d'une telle accusation, ou bien si c'est moi qui suis capable d'avoir osé écrire de telles choses...

 

"Cet homme a osé écrire une lettre diffamatoire contre l'éminent héraut du Christ, Robert d'Arbrissel, et il se rendit à ce point odieux contre le magnifique docteur de l'Église, Anselme, archevêque de Cantorbéry, que, réfugié auprès du roi d'Angleterre, l'impudent s'est fait expulser honteusement de ce pays; c'est tout juste s'il n'y perdit la vie. Ce qu'il veut, c'est avoir un compagnon d'infamie, pour que sa propre infamie se console en voyant celle des gens de bien. » (Cité par R. Pernoud, 104‑105, 107‑108.)

 

Traduction Yves Ferroul, Héloïse et Abélard, lettres et vie, Paris, Flammarion 1996

 

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