Abélard
poète  et  musicien
 


Abélard a signé les paroles et la musique de nombreux chants religieux. Nous avons la chance exceptionnelle de posséder ces oeuvres aujourd'hui. Nous savons aussi qu'il fut un créateur et un interprète génial de chansons d'amour.

Auteur compositeur



Héloïse et Abélard
manuscrit 2923 de la
 B. N. ayant appartenu à Pétrarque

Presque toutes les œuvres musicales du haut Moyen Âge sont des pièces dont nous ne connaissons pas les auteurs. L'anonymat est une constante. Avec Abélard et la célèbre Hildegarde de Bingen, moniale visionnaire, abbesse et sainte : (1098 - 1179), de 20 ans sa cadette, nous rencontrons là, deux exceptions. Ces deux grandes figures ont été, l'une comme l'autre, à la fois les auteurs des textes et les compositeurs des mélodies. Ce sont des mélodies de facture "grégorienne". Les textes sont le plus souvent poétiques ou mystiques.

L'oeuvre musicale d'Abélard s'inscrit dans le mouvement cistercien de réforme liturgique. Cependant Abélard va plus loin, car non seulement, comme les cisterciens, il remplace les mélodies ambrosiennes assez ternes  par des nouvelles plus expressives, mais encore il compose de nouveaux textes d'une grande qualité littéraire et religieuse.

 

La musique religieuse
 
Ce qui nous est parvenu de la musique d'Abélard comprend principalement trois sortes de pièces: 
  • Des "hymnes" liturgiques pour les moniales du Paraclet qui chantent les heures canoniales : Matines, Laudes etc. ….Ce sont des compositions libres, rythmées et rimées. La mélodie se répète à chaque strophe. A la demande d'Héloïse, Abélard a composé 133 hymnes réparties en trois livres : un férial, un temporal et un sanctoral. La plus connue de ces hymnes est le "O quanta qualia" pour les vêpres du samedi.
     

  • Des "séquences", pièces de plus grande ampleur, destinées à s'insérer dans la célébration eucharistique, par exemple une paraphrase du "de profundis". Une autre séquence pour le jour de Pâques, inspirée du Cantique des cantiques, s'intitule "Epithalamica"
    Ci-contre : cithare

  • Enfin des "planctus" qu'on pourrait traduire par "lamentations".
    Avec ces lamentations, nous ne sommes plus dans la liturgie, même si les thèmes sont toujours tirés de la Bible. Ces histoires tragiques, qui évoquent la mort d'un héros ou d'une héroïne, sont exposées et commentées avec beaucoup d'émotion et de compassion. La mélodie varie d'une strophe à une autre et cherche à suivre et à exprimer les sentiments du texte. Nous connaissons six "planctus". On ne peut pas être insensible, aujourd'hui encore, à la grande qualité musicale et littéraire des planctus comme celui sur" la mort de Saül et de son fils Jonathan" ou celui sur
    "La fille de Jephté".
    Voir la traduction du "planctus jacob super filios suos"

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Les hymnes

Durée 5' 01''. Cliquez sur :"O quanta qualia", format real,  version "Ensemble de musique ancienne d'Augsburg" .1974
Hymne des vêpres du samedi.
 

O quanta qualia sunt illa sabbata
Que semper celebrat superna curia;
Que fessis requies, que merces fortibus,
Cum erit omnia Deus in omnibus.
Ô combien immenses, ô combien merveilleux sont ces sabbats
Que célèbre éternellement la cour céleste !
Repos pour les faibles, récompense pour les forts,
Quand Dieu sera tout en tous.
Vere Iherusalem illic est civitas,
Cujus pax jugis est, summa jucubditas
Ubi non prevenit rem desiderio
Nec desiderio minus est premium.
Vraiment c'est Jérusalem que cette cité
Dont la paix est perpétuelle, la joie totale,
Là où le désir ne précède pas la chose,
et la récompense excède le désir.
Quis Rex, que curia, quale palatium,
Que pax , que requies quod illum gaudium
Hujus participes exponat glorié
Si tantum sentium, possint exprimere
Qui est ce Roi, quelle est cette cour,quels sont ce palais,
Cette paix, ce repos, cette allégresse
Dont nous parlent ceux qui participent à la gloire
S'ils sont en effet bien capables  de livrer ce qu'ils ressentent.
Nostrum est interim mentem erigere
Et totis patriam votis appetere,
Et ab Iherusalem a Babilonia
Post longa regredi, tandem exilia.
En attendant, il nous faut élever notre esprit
Et soupirer à grands désirs après notre Patrie,
Cherchant à rentrer enfin à Jérusalem
Après ce long exil à Babylone.
Illic molestis finitis omnibus,
Securi cantica Syon cantabimus
Et juges gratias de donis gratie
Beata referet plebs tibi Domine.
Là, après la fin de toutes les angoisses,
Nous chanterons dans la paix les cantiques de Sion,
Et ton peuple béni, Seigneur, te rendra grâce
Sans cesse pour les dons de ta grâce.
Illic est sabbato succedet sabbatum :
Perpes letitia sabbatizantium,
Nec ineffabilis cessabunt jubilii
Quos decantabimus et nunc et angeli.
Là on passe de sabbat en sabbat,
Célébrant le sabbat dans la liesse perpétuelle,
Et jamais ne cesseront ces réjouissance ineffables,
Que nous chanterons de concert avec les anges.
Perenni Domino, perpes sit gloria
Ex quo sunt, per quem sunt, in quo sunt omnia;
Ex quo sunt, Pater est; per quem sunt filius
In quo sunt Patris et filii spiritus.
Amen.
Gloire éternelle au Seigneur pour les siècles des siècles,
De qui, par qui et en qui sont toutes choses.
Toutes du Père par le Fils et en l'Esprit,
Qui  procède et du Père et du Fils.
Amen.

"L'admiration d'Héloïse pour le talent poétique et musical d'Abélard peut aisément se comprendre. On a à considérer qu'un exemple : cette hymne des vêpres du samedi : "Ô quanta qualia". La vision du ciel est extatique et la mélodie construite avec tant d'art que les phrases se succèdent de façon organique, avec une sorte d'inévitabilité extraordinaire." Chrysogonus Waddell
Nota : Ce CD d'où provient cette hymne contient de nombreuses autres pièces. Pour consultation  ou prêt au siège de l'ACPA.

Les séquences

Durée totale 7' 27''  Cliquez sur : "Epithalamica" . Interprétation par la Schola Gregoriana of Cambridge, Directed by Marry Berry.1994.
 
Séquence pour le jour de Pâques.
 

Epithalamica dic, sponsa, cantica
Intus quae conspicis dic foris gaudia
Et nos laetificans, de sponso nuntia
Cuius te refovet semper praesentia.
Chante, ô épouse, ton cantique nuptial,
Proclame les joies intérieures que tu contemples,
Et réjouis-nous des nouvelles de l'époux
Dont la présence signifie pour toi une vie nouvelle et éternelle.
Addulescentule, vos chorum ducite
Cum haec praecinerit, et vos succinite
Amici sponsi vos, vocarunt nuptiae
Et novae modulos,optamus domine.
                                            à suivre
Chantez, dansez jeunes filles
Et lorsque l'époux commence à chanter, chantez aussi
Les amis de l'époux vous invitent aux noces
Et nous nous réjouissons d'entendre le chant de la nouvelle Dame.

"Fortement inspirée par le Cantique des cantiques, cette séquence "Epithalamica" envisage le drame de la résurrection comme s'il se reproduisait dans la vie spirituelle d'une moniale du Paraclet, elle-même épouse du Christ et qui attend que l'époux lui revienne de la tombe."

"La séquence "de profundis" utilise une mélodie qui se déplace doucement, les phrases descendantes de lamentation, en 2ème mode, cédant la place à d'autres, ascendantes, en 8ème mode, qui suggèrent une atmosphère d'espérance et de sérénité avec l'approche de la cadence finale."
" Chrysogonus Waddell OCSO"
Nota : Ce CD d'où provient cette séquence contient de nombreuses autres pièces. Pour consultation ou prêt au siège de l'ACPA.

Durée totale 11' 17''  Cliquez sur "De profundis" Interprétation par la Schola Gregoriana of Cambridge, Directed by Marry Berry.1994.
Séquence pour les défunts composée par Pierre Abélard
De profundis ad te clamantium
Pie Deus exaudi gemitum
Nec mensuram observes criminum
Ut perferri possit iudicium
Pie Jésus

Jesu bone, comple quod diceris
Ne sit in re vox cassa nominis
Te praesertim cum ipse dixeris
Pro salvandi venisse miseris.
Jesu bone

Consolator dolentis anime
Ac mestorum  vere Paraclite
Quod promittis et ex hoc nomine
Ne differas complere Domine
Pie Iesus.

Fletu Petri trina negacio
Est deleta tam brevi spacio
Et latronis sera confessio
Paradisi potita gaudio.
Iesu bone
                                               à suivre

 
Ö Dieu très bon écoute la clameur
 De ceux qui crient vers toi du fond de l'abîme.
Ne tiens pas compte de la multitude des crimes
afin d'y porte jugement.
Ô dieu très bon .

Ô bon Jésus, accomplis ce que tu as dit.
De peur que ton nom nr soit privé de sens,
Puisque tu nous as dit toi-même
Que tu étais venu pour sauver les misérables
Ô bon Jésus !

Consolateur de l'âme affligée,
Paraclet véritable de ceux qui pleurent,
Aussi ce que tu promets en vertu de ce nom
Ne tarde pas à l'accomplir.
Ô bon Jésus !

Par les larmes de Pierre, son triple reniement
A éré effacé en peu de temps;
Et la confession tardive du bon larron
Lui a valu la joie du paradis.
Ô bon Jésus !

 


Les six Planctus


"Plus encore que les hymnes, les planctus constituent l'une des oeuvres poétiques les plus représentatives du XIIe siècle; les plus modernes aussi pour ce temps et les moins bridées de convention. (...) Très au courant de la théorie et des pratiques musicales, Abélard travaille particulièrement les rythmes de ses poèmes et son inventivité dans ce domaine n'est jamais en défaut."
Ces planctus (lamentations) bien que tous construits sur des thèmes bibliques ne passèrent jamais dans le répertoire sacré des offices religieux.
Paul Zumthor Abélard lamentations, p.24 et sq
 

Durée totale 9' 39''. Cliquez sur "Planctus David". Interprétation par l'ensemble de musique ancienne d'Augsburg. 1974.
Planctus V. Complainte de David sur la mort de Saül et Jonathan.
 

Dolorum solatium
laborum remedium
mea michi cythara,

Nunc quo major dolor est
iustiorque meror est
plus est necessaria.

Strages magna populi
regis mors et filii
hostium victoria.

Ducum desolatio
Vulgi desperatio
Juctu replent omnia
                                      à suivre

Consolation dans ma douleur,
Remède dans ma détresse, ma harpe,
M'est d'autant plus nécessaire.

Alors que ma douleur
Est plus intense,
Ma tristesse plus justifiée.

Le massacre immense du peuple,
La mort du roi et de son fils,
La victoire de l'adversaire.

La désolation des chefs,
Le désespoir de la multitude
Répandent partout des gémissements.

Accéder au texte latin  et à la traduction française des PLANCTUS  par Paul Zumthor : fichier pdf - cliquez ici

Si le texte latin de toutes ces œuvres nous a été transmis par des manuscrits sans difficulté majeure, il n'en va pas de même de la ligne mélodique, puisque la portée n'existe pas encore. Les spécialistes ont dû faire de savantes recherches pour analyser et interpréter des notations musicales élémentaires et parfois énigmatiques.


Hymnaire de Rheinau - Bibliothèque de Zurich - 1459

Commentaire de Luc Estang

"Abélard, ce logicien, ce moraliste, cet humaniste fut aussi un grand poète tant profane que sacré. Toutes les rues de la montagne Sainte-Geneviève ont retenti de ses chansons qu'il composa pour les clercs  et dont hélas, rien ne nous est parvenu. Plus heureux pour les poèmes sacrés, nous pouvons relire, sinon chanter les hymnes et séquences que Pierre Abélard écrivit à la demande de l'abbesse Héloïse , pour les moniales du Paraclet qui trouvaient les hymnes de Prudence un peu trop monotones et difficiles à chanter.
Usant de mètres très variés - vers trochaïques, vers saphiques - les combinant de façon très nouvelle et fort audacieuse, rappelant parfois les strophes de la poésie goliardique aux rimes dissyllabiques :

O fortuna
velut luna
statu variabilis
semper crescis
aut decrescis ...

il compose pour toutes les fêtes et les saisons des chants qui permettent de voir en lui l'un des grands poètes de son temps."
Luc Estang , romancier, poète, essayiste, 1911-1992, et JP Foucher in "Florilège de la poèsie sacrée"

 

Le répertoire cistercien

Comparons avec le répertoire cistercien, contemporain d'Abélard.
"Le répertoire cistercien remanié sous la direction de Saint Bernard - pourtant adversaire d'Abélard - contient des hymnes d'une fraicheur exquise avec lesquelles Abélard se sera le mieux familiarisé."
 
- "Magnum salutis gaudium" . Hymne en l'honneur de Sainte Madeleine
- "Quam pium". Antienne composée par St-Bernard lui-même. Office en l'honneur de Saint Victor.
- "Fulcite me floribus" . 4ème répons des matines pour la fête des vierges.
- "Dum esset rex". 10ème répons pour les matines de l'Assomption.
Selon " Chrysogonus Waddell OCSO"

 

Durée 1' 42''. Cliquez sur : "Magnum salutis". Interprétation par la Schola Gregoriana of Cambridge, Directed by Marry Berry.1994.  Hymne en l'honneur de Ste Madeleine
 

Magnum salutis gaudium
Letetur omne seculum
Iesus redemptor gentium
Sanavit orbem languidum

Sex ante pasche ferias
Advenit in Bethaniam
Ubi pie post triduum
Resuscitavit Lazarum
                                              à suivre

Ô l'immense joie du salut
Que tout l'univers exulte !
Jésus le rédempteur des nations
A guéri un monde languissant.

Six jours avant la Pâques
Il est venu à Béthanie
Sans sa miséricorde, il a ressuscité
Lazare mort depuis trois jouirs.

Durée 3' 27''. Cliquez sur : "Fulcite me floribus"  Interprétation par la Schola Gregoriana of Cambridge, Directed by Marry Berry. 1994.
Répons des matines pour une "sainte femme", de l'antiphonaire cistercien qui date du temps de la réforme de la liturgie entreprise sous la direction de Saint Bernard.

Fulcite me floribus
Stipate me malis

Quia amore langueo. Alleluia.

Adiuro vos filiae Jerusalem
Si inveneritis dilectum
Ut annunietis ei.

Quia amore ...

Gloria Patri et Filio
Et Spiritui sanco.

Quia amore ...
 

Soutenez moi avec des fleurs,
Ranimez moi avec des pommes

Car je languis d'amour. Alleluia !

Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Si vous trouvez mon bien-aimé,
Dites lui.

Car je languis ...

Gloire au Père, au Fils
Et au Saint-Esprit.

Car je languis ...
 

Le rôle d'Héloïse
 

La composition de l'hymnaire avec ses 133 hymnes avait représenté une lourde et, on peut le supposer, monotone tâche. Abélard est le seul poète de son temps a avoir osé, selon Paul Zumthor, une si vaste entreprise. Cet immense travail de composition liturgique, a été entrepris à la demande d'Héloïse, abbesse du Paraclet. "C'est pour répondre à tes instantes prières, Héloïse, ma soeur bien chère autrefois dans le siècle, et si chère aujourd'hui en Jésus-Christ que j'ai composé ces chants appelés en grec hymnes et en hébreu tillim." Ainsi, selon Abélard, Héloïse lui avait longuement exposé ses arguments :

"Quant aux hymnes dont nous nous servons aujourd'hui, il y règne un désordre tel, que bien rarement, pour ne pas dire toujours, elles n'ont pas même de titre qui les distingue et indique de qui elles sont, Hilaire et Ambroise, par exemple, les premiers écrivains en ce genre, ou bien Prudence et d'autres qui vinrent après eux, la mesure y est souvent si incorrecte que les paroles peuvent à peine s'adapter aux chants; et sans le chant cependant il n'y a pas d'hymne possible, car la définition de l'hymne est la louange de Dieu chantée".

Tu ajoutais que pour le plus grand nombre de fêtes nous manquions d'hymnes spéciales, par exemple pour la fête des Innocents, pour celles des évangélistes et pour celles des saintes qui ne furent ni vierges ni martyrs. Il en est même, disais-tu, qui obligent à mentir ceux qui les chantent, soit parce qu'elles ne s'appliquent pas au temps, soit parce qu'elles sont mêlées d'inexactitudes. Ainsi n'est-il pas rare que, soit par empêchement formel, soit par dispense, les fidèles devancent ou laissent passer l'heure prescrite; si bien qu'ils sont obligés de mentir au moins en ce qui concerne le temps, chantant le jour les hymnes de la nuit et la nuit les hymnes du jour. (...)

Et ce n'est pas seulement l'inobservation des moments qui nous induit en mensonge; ce sont aussi les auteurs de certaines hymnes (...) dans un zèle de piété imprévoyante ils nous font chanter des choses contre notre propre conscience. Il en est si peu qui, pleurant et gémissant dans l'ardeur de la contemplation ou dans la componction de leurs péchés, puissent véritablement dire : " venons prier en gémissant ; remets-nous les péchés que nous avons commis" (...)

Ne devons-nous pas craindre qu'il y ait présomption à chanter chaque année ; "Martin, toi qui égales les apôtres;" ou à exalter sans mesure les miracles de certains confesseurs, en disant : "auprès du tombeau qui nous a guéris naguère de nos souffrances, etc. ? "

Ta sagesse jugera.

Lettres d'envoi des Hymnes d'Abélard, Gréard, "Lettre d' Abélard et d'Héloïse" p. 661 et sq

Accéder au texte complet de la lettre d'envoi des hymnes - Lettre H  -  Cliquez ici

Les interprètes modernes

De nombreux groupes de chanteurs, spécialistes de musique ancienne, ont été attirés et intéressés par la musique d'Abélard. Ils l'ont interprétée et ont produit 33 tours et C.D. :


CD Harmonia Mundi 1998

  • en 1974, un groupe allemand, "Studio der Fruhen Musik", sous la direction de Thomas Binkley;

  • en 1986, le groupe français "Venance Fortunat", sous la direction d'Anne-Marie Deschamps;

  • en 1994, la "Schola gregoriana of Cambridge", avec Mary Berry;
  • en 1996, l'ensemble "Sequentia" de Cologne avec Barbara Thornton;
  • en 1997, toujours en Allemagne, la "Capella Antiqua" de Munich sous la direction de Konrad Ruhland;

  • en 1998 pour finir, avec "Theatre of voices" de Los Angeles, USA, et la direction de Paul Hillier.

Pour se procurer les titres C.D. les plus récents, les autres étant épuisés, on peut consulter les différents sites de vente par correspondance, sous la rubrique "Abélard".

On trouvera un bonne étude sur Abélard musicien dans Maurice Zumthor, "Abélard, Lamentations", Actes Sud, Paris 1992. Le commentaire musicologique est de Gérard LE VOT : "Que savons-nous de la musique des planctus d'Abélard."p. 107 à 125.


Michel HUGLO, musicologue : "Abélard, poète et musicien", dans les cahiers de civilisation médiévale, XVII de 1979, pages 349 à 361.
1) Les chansons d'amour
2) L'hymnaire du Paraclet
3) Les planctus
Chrysogonus WADDELL, musicologue, moine cistercien de l'abbaye de Gethsemani Abbey, Kentucky, USA. Note de présentation, avec Mary Berry,  du CD "Abelard, hymns & sequences for Heloise" . Herald Cambridge 1994.

Chrysogonus WADDELL, Hymn Collection from the Paraclete, Cistercian liturgy series 8-9, abbaye trappiste de Gethsemani, Cistercian Publications,1989.


Manuscrit des planctus avec notation musicale
Codex reginensis 288, bibliothèque vaticane
XIIeme -XIIIème
Lien : Michel Huglo: "Abélard poète et musicien" 1979

https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1979_num_22_88_2121#ccmed_0007-9731_1979_num_22_88_T1_0356_0000

Les chansons d'amour



Les chansons d'amour d'Abélard, qui se transmettaient de bouche à oreille, ne sont pas parvenues jusqu'à nous, hélas ! Nous avons cependant plusieurs témoignages qui confirment la réputation qu'avait Abélard.


Cithare
 

"Si je parvenais à écrire quelques pièces de vers, elles m'étaient dictées par l'amour, non par la philosophie. Dans plusieurs provinces, vous le savez, on entend souvent aujourd'hui encore d'autres amants chanter mes vers." Abélard "Histoire de mes malheurs"

Ainsi cette lettre d'Héloïse :

"Tu possédais deux talents, entre tous, capables de séduire le cœur d'une femme : celui de faire des vers et celui de chanter. Ces talents, nous le savons bien, sont rares chez les philosophes. Pourtant, c'est à eux que tu dois d'avoir composé sur des mélodies et des rythmes amoureux, tant de chansons dont la beauté poétique et musicale connut un succès public et répandit universellement ton nom. Les ignorants mêmes, incapables d'en comprendre le texte les retenaient, retenaient ton nom. Telle était la raison principale de l'ardeur amoureuse que les femmes nourrissaient pour toi. Et comme la plupart de ces chansons célébraient nos amours, bientôt mon nom se répandit en maintes contrées, excitant contre moi les jalousies féminines." Héloïse à Abélard, lettre n° 2

Et plus loin :

"Quand tu m'appelais à des plaisirs temporels, tu m'accablais de lettres, tes chansons mettaient sans cesse sur toutes les lèvres le nom d'Héloïse. Les places publiques, les demeures privées en retentissaient."


Quelques liens à partir du colloque de 2001

1 - Pierre Abélard et la poésie liturgique. Gunilla Iversen

https://books.openedition.org/pur/18400

2 - Les planctus d'Abélard et la tradition tardive des planctus. Nicolas Bell
https://books.openedition.org/pur/18402


3 - Les planctus d'Abélard et la tradition des drames liturgiques. Nils Holger Petersen
https://books.openedition.org/pur/18404

4 - Un ensemble de planctus attribués à Abélard dans un prosaire nivernais. Manuscrit Paris, Bnf nal 3126*
Marie-Noël Colette
https://books.openedition.org/pur/18406

5 - Une larme pour Abner, une lamentation de l'Ancien Testament remaniée par Pierre Abélard.
Annelie Wouters
https://books.openedition.org/pur/18408

 

2016 - Nouvel enregistrement
"Abélard et Héloïse" par l'ensemble  "Ligeriana"
Direction : Katia Caré
La poésie des voix et des instruments

 

LIGERIANA est un ensemble instrumental fondé sous la direction de Katia Caré en 2000. "Celle-ci, chanteuse et flutiste à bec a réalisé, en soliste ou à la direction, de nombreux enregistrements discographiques, illustrant tous les aspects du répertoire médiéval. Elle a également collaboré à plusieurs téléfilm pour Arte.
Sa recherche dévouée à la restitution et à la restauration de manuscrits médiévaux l'amène a collaborer avec des universitaires français et étrangers."

Le CD ci-contre qui contient 9 pièces musicales a été préfacé par Guy Lobrichon. Septembre 2016.

Siège social : Productions Perceval
13  petite rue St-Nicolas
49400 Saumur
 

Dans l'Europe du XIIème siècle, quand les réformateurs secouent la torpeur des monastères et des cathédrales, quand des architectes élèvent des monuments dits "gothiques", quand les intellectuels rouvrent les chemins de la connaissance, des musiciens de génie réinventent le répertoire : ici des hommes écrivent pour des voix mâles, là des femmes pour les soeurs de leurs couvents. Voici qu'en France, vers 1130, le souffle du miracle est passé lorsque le plus brillant des savants a mis en musique des poèmes qu'il écrivait lui-même, non plus pour son église ou pour amuser le groupe de ses amis, mais pour une communauté de femmes, pour leur abbesse qui n'était autre que son épouse. Alors le chant d'église s'est métamorphosé en cantique d'amour.
Guy LOBRICHON

 

Durée 10' 18''  . Cliquez sur :" Jacob". Interprétation par l'ensemble Ligeriana, direction Katia Caré. 2016.
 
Planctus II. Jacob super filios suos
 
Infelices filii
Patre nati misero
Novi, meo sceleri
Talis datur ultio

Cujus est flagitii
Tantum damnum passio
Quo peccato merui
Hoc feriri gladio

Joseph decus generis
Filiorum gloria
Devoraatus bestiis
Morte ruit pessima.

Symeon in vinculis,
Mea luit crimina
Post matrem et Benjamin
Nunc amisi gaudia.
                                           à suivre

Pauvre fils
D'un père misérable,
C'est de mon crime
Que vient cette vengeance.

En supporter l'infamie,
Me fait beaucoup de peine
Et ce péché
Mérite punition.

Joseph qui fit l'honneur à ma race
Gloire de ma descendance.
Dévoré par les fauves
A connu une mort horrible.

Siméon est en prison
Pour racheter mon crime;
Sa mère et Benjamin
Ont perdu toute joie.
  1. "La plainte de Jacob s'inscrit dans le long récit de la Genèse. Il a perdu son fils ainé, le beau Joseph que ses frères ont laissé au fond d'une citerne. Parti en Egypte lors d'une famine, le clan est obligé d'y laisser en otage un autre des douze fils de Jacob : Siméon...
    Le crime dont s'accuse Jacob serait-il de s'être enfui avec tout ce que Laban lui avait donné, ses deux filles, Léa, Rachel et tous leurs biens ? Gen.25-50
    Pierre Abélard dépeint Jacob dans le paroxysme du désespoir.
     Nota : Ce CD d'où provient ce planctus contient de nombreuses autres pièces. Pour consultation ou prêt au siège de l'ACPA.
     

Accéder au texte latin  et à la traduction française des PLANCTUS  par Paul Zumthor : fichier pdf - cliquez ici

Durée 6' 18'' . Cliquez sur "O quanta". Interprétation par l'ensemble Ligeriana, direction Katia Caré. 2016
Hymne 29. O quanta qualia  pour les vêpres du samedi 
Comparez cette interprétation
avec celle, plus haut, de l'
"Ensemble de musique ancienne d'Augsburg" .1974,     
O quanta qualia sunt illa sabbata
Que semper celebrat superna curia;
Que fessis requies, que merces fortibus,
Cum erit omnia Deus in omnibus.
                        
Voir la suite plus haut
Ô combien immenses, ô combien merveilleux sont ces sabbats
Que célèbre éternellement la cour céleste !
Repos pour les faibles, récompense pour les forts,
Quand Dieu sera tout en tous.

                                                                         
Pierre, contemporain de la première croisade (1095 - 1099 dont il ne parle jamais ni dans ses ouvrages ni dans ses lettres) et de ses espérances ne cède pas au rêve d'un royaume de Dieu que les croisés réaliseraient en Terre Sainte. Il ne fait pas chanter aux soeurs du Paraclet ces vains espoirs. En moine accompli, il évoque l'autre Jérusalem, celle d'en haut, dont les habitants célèbrent l'éternel sabbat et la béatitude sans fin qui sera donnée à tous les élus à la fin des temps. 
                                                                  
L'ensemble "Ligeriana" 2016

Durée 2' 16''. Cliquezsur "Plaudite". Interprétation par l'ensemble Ligeriana, direction Katia Caré. 2016
Hymne 42. Christiani plaudite. Pour les Laudes et les Vêpres de l'Octave de Pâques et le dimanche de Qasimodo
Christiani plaudite
Resurrexit Dominus
Victo mortis principe
Christus imperat
Victori occurite,
Qui nos liberat.

SuperatoZabulo
Resurrexit Dominus,
Spoliato barathro
Suos eruit
Stipatus angelico
Coedu rediit.

Fraus in hamo fallitur
Resurrexit Dominus,
Quae dum carne vescitur,
Circumposita
Virtuté transfigitur,
Carni insita.

Captivatis inferis,
Resurrexit Dominus,
Ditatisque superis
Caelum jubilat,
Hymnis, psalmis, canticis
Terra resonat.

Deo patri gloria,
Resurrexit Dominus,
Salus et victoria
Christo Domini
Par honor per seccula
Christo Domini
Par honor per seccula
Sit Spiritui.
 

Chrétiens, battez des mains,
Le Seigbneur est ressuscité
Vainqueur du prince de la mort,
Le Christ règne.
Allez au devant du vainqueur
Qui nous libère.

Après avoir vaincu satan,
Le Seigneur est ressuscité,
Il a dévasté les enfers,
Et ses serviteurs,
Escorté de l'ange,
Le voici rendu à l'assemblée.

Le trompeur est floué par l'hameçon,
Le Seigneur est ressuscité.
Lui qui se repaît de la chair,
Tout autour de lui disposée.
Se fait transpercer par la Vertu
Venu en cette chair.

Ceux d'en bas sont captifs
Le Seigneur est ressuscité
Et ceux d'en haut enrichis,
Le ciel se réjouit,
D'hymnes, de psaumes, de cantiques
La terre résonne.

Gloire à Dieu le Père,
Le Seigneur est ressuscité
Salut et victoire
A notre Seigneur le Christ,
Honneur égal pour les siècles des siècles
A notre Seigneur le Christ,
Honneur égal pour les siècles des siècles,
Au Saint-Esprit.

 

Un dimanche de "Quasimodo" qui revêt une importance particulière pour les dames du Paraclet parce que ce jour-là, elles célèbrent l'anniversaire de la mort de Maître Pierre et se rendent en procession au "Petit Moustier" où il a été inhumé, dans le petit cimetière du monastère.
Voilà un poème étourdissant par sa métrique, mètre trochaïque inhabituel, et par sa signification. Abélard dénie au diable tous droits sur l'humanité. Cela Bernard de Clairvaux ne peut l'admettre. En quelques mots habiles le maître évoque la vertu de l'Incarnation. En effet, la venue du Christ dans la chair disqualifie le démon et d'un coup, Pierre se soustrait à l'accusation d'hérésie semi-pélagienne.
 

 SOMMAIRE

© Association Pierre Abélard 1999