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L’épisode communal de
Laon s’inscrit dans un climat général de bouleversements
sociaux aux XIe et XIIe siècles (Le Mans en 1070, ... Noyon
en 1108). Deux raisons expliquent l’importance particulière
des événements de Laon. Tout d’abord, la révolte a entraîné
l’assassinat d’un évêque et, de plus, un témoin, Guibert de
Nogent, a retranscrit les faits dans son autobiographie en
leur donnant un aspect apocalyptique qui a longtemps
influencé les historiens.
Les tensions et les excès proviennent du double pouvoir,
royal et épiscopal, qui s’exerce sur la ville. Le roi et
l’évêque se sont attaché un certain nombre d’hommes qui,
riches de nouveaux domaines, rassemblent leurs propres
partisans. La situation de la population de Laon devient
alors de plus en plus confuse. En 1098, à la mort de
l’évêque Hélinand, collaborateur du roi, son successeur,
Enguerrand de Coucy, partisan de l’aristocratie locale,
sépare le pouvoir épiscopal du pouvoir royal. En 1106,
l’élection de l’évêque Gaudry renforce le climat de tension
qui s’est installé en ville.
À la suite d’une querelle, l’évêque fomente une conjuration
contre Gérard de Quierzy, châtelain royal et le fait
assassiner dans la cathédrale en 1111. Le roi, avec les
hommes de l’abbaye Saint-Jean, châtie ceux qui avaient osé
troubler la paix de Dieu et souiller l’église cathédrale. Ce
meurtre révèle la concurrence entre les aristocrates,
l’évêque et le roi. Dans ce climat, les seigneurs proches de
l’évêque décident d’instituer une commune. L’évêque et le
roi l’acceptent à contrecœur, car ils sont partagés entre la
perte de pouvoir que cela implique et les compensations
financières qui en résultent.
L’évêque, dilapidant les revenus procurés par cette
institution, provoque l’exaspération des bourgeois qui
forment une nouvelle conjuration. Le 25 avril 1112,
l’insurrection éclate. L’évêque Gaudry, le châtelain Guimar
et le vidame Adon sont assassinés et un incendie éclate,
provoquant des dégâts dans le palais épiscopal, dans la
cathédrale et dans des maisons du quartier canonial.
Les désordres, répressions et vengeances ne cessent pas
avant 1115, date à laquelle le roi envoie Etienne de
Garlande pour pacifier la cité. Un peu avant, le souverain a
imposé un nouvel évêque, Hugues, sacré le 4 août 1114, dont
l’action rapproche de nouveau les deux pouvoirs. La
documentation est quasi muette sur la mise en place d’un
nouvel ordre social et économique. Le successeur d’Hugues,
Barthélemi de Jur, est élu sans intervention extérieure. Le
calme revenu dans la ville, le roi, Louis VI accorde à Laon
et ses faubourgs une charte de Paix en 1128.
Cette Paix sera maintenue jusqu’en 1331, où de nouveaux
soulèvements incitent Philippe VI à briser définitivement la
commune et à installer un prévôt royal.
(D’après
Alain SAINT-DENIS)
La relation que
Guibert de Nogent fait des événements montre une révolte
très violente ayant entraîné la destruction d’une partie de
la ville. Pendant longtemps, les historiens ont pris ce
texte au sens strict, en ne tenant compte ni de la
personnalité de l’auteur, ni du contexte historique. Guibert
est un abbé et la commune lui apparaît comme une violation
de la société divisée en trois ordres, telle que la décrit
Saint-Augustin dans La Cité de Dieu. De plus, pour un
ecclésiastique, l’assassinat d’un évêque est un crime qui ne
peut qu’avoir des conséquences effroyables. La cathédrale ne
put être détruite comme il le prétend, la dédicace de
l’église réparée ayant eu lieu en 1114 et la reconstruction
ne commençant que plus de quarante ans après les événements.
Jusqu'à maintenant, les fouilles et
sondages archéologiques n’ont mis au jour aucune couche
d’incendie de cette époque. Les dégâts dans la ville furent
donc limités.
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Commune. Association dotée
de la personnalité civile, constituée par des habitants
d'une ville, et qui se caractérise par un serment de
protection et d'aide mutuelles. Ville bénéficiant de
franchises importantes et que les bourgeois avaient souvent
le privilège d’administrer eux-mêmes.
Institution de Paix.
L’instauration d’une commune, en faisant cesser les
troubles, est une institution de Paix. Charte accordée par
le roi ou le seigneur, garantissant les libertés de la
ville, ainsi que son gouvernement par un maire et des jurés.
Au XIe siècle, la société féodale est établie en trois
ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui
travaillent. L’essor économique du royaume entraîne une
renaissance des villes. La population urbaine s’accroît et
se diversifie. Les activités liées au commerce et aux
mouvements des richesses provoquent l’apparition d’une
nouvelle classe, les bourgeois.
Les villes dépendent d’un seigneur, laïque ou religieux, qui
n’y réside pas toujours. Au cours des XIe et XIIe siècles,
les citadins prennent conscience qu’ils ne peuvent plus être
soumis aux mêmes règles que les ruraux, car leurs modes de
vie sont trop différents. Ce constat provoque un mouvement
de cohésion entre les habitants d’une même cité qui se
rassemblent dans des confréries de quartiers, des métiers ou
des réunions d’intérêts. Ces groupes réclament
reconnaissance et autonomie. La plupart des communes
résultent d’un mouvement collectif d’émancipation dirigé
contre le seigneur laïque ou ecclésiastique.
L’autonomie réclamée ne peut s’obtenir qu’en accord avec les
détenteurs de l’autorité. Les soulèvements furent plus ou
moins violents selon la résistance de l’Église ou du pouvoir
laïque. L’Église craignait de partager son autorité, mais
elle céda souvent contre certaines garanties ou
compensations. L’autorité laïque, plus confiante, accepta
généralement les communes après des transactions plus ou
moins onéreuses. Les communes sont rares dans le domaine
royal, car elles affaiblissent le pouvoir du souverain. En
revanche, le roi tend à encourager les institutions de Paix
dans les seigneuries voisines du domaine royal. La plupart
des communes disparaissent au cours des XIVe et XVe siècles.
(Voir Robert FOSSIER, La
société médiévale. 1994. Georges DUBY, Histoire de la France
des origines à 1348. 1986. Jean FAVIER, Dictionnaire de la
France médiévale. 1993.) |